Un journal...

Lyon, le 11 février

Me voici donc en Lyon, au plus près de cette frontière délimitant ce duché qui me dégoute tant.
Cette halte pour serrer Fhar en mes bras ne s'éternisera surement pas. Etre encore en pays dauphinois me frustre, ici je suis trop proche de tous mes souvenirs, l'air fini même par me manquer...

Je ne comprends toujours pas comment notre duché a pû tomber si bas, mais une chose est sûre, je ne m'y sens plus à l'aise.
Nos coutumes semblent avoir disparues en même temps que notre prestige et de cela il ne reste que des villages où même l'accueil n'est plus.
Et pourtant je me souviens de ce temps où nous étions si fiers d'être dauphinois.A cette époque nous n'aurions renié nos origines pour rien.

Mais aujourd'hui pour ma part j'ai honte et à chaque village traversé j'ai envie de hurler. Leur hurler qu'ils devraient se regarder, leur crier d'écouter le ressenti des voyageurs qui ne s'attardent même plus... J'ai cette boule dans ma gorge pour me rappeler que tous nos efforts ont été vains.

J'en viens même à espérer une attaque du château, peut être qu'ainsi ils se rendraient compte.

Mais pour l'heure je ne peux que regretter mes années de vie perdues en ce duché, avec cette amertume qui ne quitte mes lèvres....


Chalon le 15 février

Les frontières sont derrière moi depuis trois jours. Je sens, malgré l'humeur morose de la Bourgogne, une sensation de plaisir d'être enfin partie. Cela aura pris plus de temps que je ne le pensais mais enfin les routes se redécouvrent à mes yeux.
Pour l'heure je ne sais encore quelle sera ma prochaine destination ayant choisi ce jour de me perfectionner dans l'art de la guerre.
Moi qui ai toujours refusé quelconque lien avec les militaires, j'aime à étudier les matières qui me sont enseignées sur le sujet.
Ainsi cela me conforte en mes choix, il y a besoin de trop de rigueur et cette hiérarchie n'aurait jamais pû me convenir.
Mais bizarrement les techniques de combat, les armes et leurs secrets me fascinent.
Je me suis aussi remise à l'épée, il avait essayé de m'apprendre, j'essaie à mon tour de me rappeler de ses gestes, ses conseils, mais j'ai toujours tendance à préférer la dague, plus légère, plus facile à manier.

Décidément tout change, même moi, ce qu me dégoutait avant m'attire presque, ma première vie doucement me revient en mémoire, celle d'aujourd'hui est si terne...
Je me demande parfois si mon père n'avait pas raison quand il me disait que cette vie que je voulais tant n'était en fait pas pour moi.
C'est vrai cette vie n'est plus pour moi....

Autun le 17 février

L'enfer continue, suis je donc suivie par une foutue mauvaise étoile?
Changement de village, changement de décor, changement d'ambiance aussi il est vrai.
Ici il y a du monde, plein d'hommes semblables à des animaux en rût.
Me voici en taverne avec cette sensation d'être du gibier, obligée de menacer de ma dague un de ses bonhomme pour être tranquille...
Ils sont quand même courageux, de jeunes hommes imberbes, j'aurais presque pû en rire si leur attention avait été dirigée vers une autre.
Enfin cela s'annonce bien, il ne faudrait pas que je sois obligée d'en blesser un, à la vue du village bourguignon j'imagine leurs géoles, même les rats doivent fuir..

Enfin voilà, cette bohème s'annonce décidément différente de mes attentes.
Hier face au lac je me suis demandée un instant si je ne devrais pas....Je sais c'est égoiste mais être égoiste finirait peut être par m'apaiser...


Sémur le 19 février

Une petite halte en Sémur afin de me reposer, petite halte qui se terminera ce soir.
En trainant de par les tavernes j'ai réussi à déceler le mal qui ronge ce duché, une fois de plus le pouvoir.
Tant au début ils me faisaient rire, tant maintenant ils me fatiguent tous, trop bien assis sur leur séant.
Comme je le disais à Phélim dans ma dernière missive oublieraient ils que nous allons tous aux lattrines dans la même position? Il me semble, de plus en plus...
En pensant que certains me destinaient à cela, au moins une gentillesse que m'aura accordé la vie que de me dévier de cette voie.

J'espère que le prochain duché sera plus sympathique, au pire l'orléanais ne devrait me décevoir, je l'espère tout au moins.
Et ensuite c'est décidé je retournerai voir l'océan, depuis tout ce temps...
Il sera surement mon dernier point de chute.

Mais il reste un peu de temps avant cela, avec peut être le plaisir de trouver une surprise en route qui sait....


Tonnerre le 21 février

Enfin proche de cette frontière qui délimite d'un coté un duché ennuyeux et de l'autre l'inconnu.
Cette visite en Bourgogne n'aura finalement été vaine.
Ici j'ai pû me conforter en mes idées, la quête du pouvoir incessant plonge notre royaume dans un abyme si profond...
Hier j'ai pû croiser une partie de cette armée dite indépendante. Indépendante...Ce mot ne semble avoir la même signification que le mienne.
Ces hommes sont simplement des assassins à la botte d'un conseil corrompu.
Cette phrase ne cesse de me revenir en mémoire "Nous volons, eux assassinent"....L'exemple est sous mes yeux.
J'ai pû aussi croiser une de leur victime, l'homme en a réchappé de peu, mais il n'oubliera jamais.
J'ai aussi rencontré la femme du colonel, cette pauvre damoiselle ne connait encore rien à la vie, son discours m'a fait rire lorsqu'elle essayait de prouver l'honneur de son homme.
Mais cet honneur est enfoui si loin sous terre qu'elle a fini par abandonner ses efforts face à mes moqueries.

Le pire est surement cela, ils n'assument pas leurs actes, se cachant derrière de piètres prétextes...

Quelle honte d'être françoise en cette triste époque, nos bons hommes ne sont en fait que voyoux de petite envergure et malheureusement personne ne les en empêche...

Cette vie est décidément bien terne...


Montargis le 3 Mars

Me voici donc après des jours d'absence, juste pour un bref passage, le temps de te saluer une dernière fois toi qui as dû écouter mes pensées sombres de ces dernières semaines.
Ce sera mon dernier écrit sur les pages qui m'étaient offertes.
Je n'aurai pu cette fois ci de mes pensées combler les blancs, te laissant comme un gout d'inachevé....Comme ma vie...

Mais tu seras en ce dernier écrit mon ultime confident, une dernière fois...
Car oui finalement si ma vie ne me satisfait pas à moi d'en choisir la suite, de décider de mon destin.
Je vais me diriger vers l'océan, à lui aussi lui dire au revoir maintenant que j'ai revu tout le monde au moins une fois.
Je vais lui donner cette vie qui ne vaut plus rien à mes yeux, je vais enfin pouvoir me reposer, partir loin de tout ça...
Nulle question de paradis, juste ne plus vivre cette vie.

Ainsi donc je ne lasserai plus aucun journal de mes écrits, je n'embêterai plus aucun politicien, je ne serai plus je serai loin....